L’agence-entreprise Perret

Auguste Perret
Auguste Perret |

© The Bancroft Library, University of California, Berkeley

L’aventure de la reconstruction du Havre est une affaire de famille. À une époque où le cumul des fonctions reste autorisé, les frères Auguste, Gustave et Claude créent la société ”Perret frères” qui est à la fois une agence d’architecture et une entreprise.

Une affaire de famille

Fils d’un tailleur de pierre, Auguste Perret travaille auprès de sa famille dans les années 1880. L’entreprise “Perret et fils” est vite reconnue pour la construction d’immeubles dans Paris. En parallèle, Auguste Perret suit les cours de Julien Guadet à l’École des beaux-arts, lit les grands ouvrages classiques d’architecture (Eugène Viollet-le-Duc, Auguste Choisy…) mais ne va pas au bout de ses études et n’obtient pas le diplôme d’architecte. À la mort de leur père en 1905, les trois frères créent la société ”Perret frères”.

La structure ainsi créée est polyvalente : Auguste, qui tient le rôle de l’architecte-concepteur, en est la figure la plus visible ; Gustave traite davantage les questions techniques tandis que Claude gère le domaine administratif et financier. Même si le cumul des fonctions du métier d’entrepreneur avec celui d’architecte n’est pas encore interdit par la loi (il faut attendre le 31 décembre 1940 et la création de l’ordre des architectes), mener de front ces deux activités est assez mal apprécié dans le milieu. Pourtant, les frères Perret y voient une manière d’être plus compétitifs sur le marché. Ils sont capables de répondre aux appels d’offres en tant qu’entrepreneur, architecte ou les deux.

25 bis rue Franklin

Motifs en grès flammé, immeuble des frères Perret à Paris
Motifs en grès flammé, immeuble des frères Perret à Paris |

© Simon Texier

Garage rue de Ponthieu par Auguste Perret
Garage rue de Ponthieu par Auguste Perret | © BnF

Connu depuis l’antiquité, le béton se développe et se perfectionne lors de la Révolution industrielle, au 19e siècle. Les promoteurs de la technique du béton coulé et armé sont tout d’abord des ingénieurs et des entrepreneurs. Considéré comme un matériau pauvre et grossier, le béton est boudé par les architectes, qui lui préfèrent de loin la pierre. En 1903-1904 à Paris, l’immeuble du 25 bis rue Franklin d’Auguste Perret est une révolution. Pour la première fois, un architecte exploite les qualités techniques et plastiques du béton. La silhouette de l’édifice s’en trouve bouleversée. La structure légère du béton permet d’aménager les appartements librement, sans la contrainte du mur porteur. La structure de béton, laissée apparente en façade, scandalise les uns et ravit les autres. Avec l’immeuble du 25 bis rue Franklin, Auguste Perret signe son premier manifeste pour l’architecture de béton.

Pour saisir la révolution que représente cette démarche, il faut rappeler qu’à la différence du mortier utilisé par les Romains (1/3 de chaux, 2/3 de sable), le béton est plus qu’un simple liant et c’est tout son intérêt. Mélangé à du gravier, le ciment devient béton, puis béton armé lorsqu’on y intègre de l’acier.

Le théâtre des Champs-Élysées

Structure en béton armée du Théâtre des champs Elysées par Auguste Perret
Structure en béton armée du Théâtre des champs Elysées par Auguste Perret |

© BnF

La façade du théâtre des Champs-Élysées par Auguste Perret
La façade du théâtre des Champs-Élysées par Auguste Perret | © BnF

À l’origine, l’architecte du théâtre des Champs-Élysées est Henry van de Velde tandis que l’exécution des travaux est confiée aux frères Perret. Ces derniers imposent à Henry van de Velde un système constructif reposant sur une ossature de béton armé puis revendiquent la paternité du projet. Henry van de Velde est finalement évincé avant la fin du chantier et le théâtre des Champs-Élysées ouvre en 1913, portant Auguste Perret à la gloire.

Cette réalisation lui vaudra la commande d’une église, la première construite en béton armée : l’église Notre-Dame du Raincy, en région parisienne. Situé sur un terrain tout en longueur, l’édifice adopte un plan rectangulaire, sans transept , qui n’obéit pas au traditionnel plan en croix latine. L’église est remarquable notamment en raison de ses vitraux aux motifs géométriques, qui couvrent les façades entières. Œuvres de la maître-verrière Marguerite Huré (1895-1967), ils préfigurent ceux de l’église Saint-Joseph du Havre où l’artiste interviendra également.

Inauguration de l’église du Raincy le 17 juin 1923
Inauguration de l’église du Raincy le 17 juin 1923 | © BnF