Vingt ans après

— par Alexandre Dumas

À la lisière du bois, d’Artagnan aperçut le chemin indiqué, et au bout du chemin les tours d’un immense château féodal.
- Oh ! oh ! murmura-t-il, il me semblait que ce château appartenait à l’ancienne branche d’Orléans, Porthos en aurait-il traité avec le duc de Longueville ?
- Ma foi, monsieur, dit Planchet, voici des terres bien tenues ; et si elles appartiennent à M. Porthos, je lui en ferai mon compliment.
- Peste, dit d’Artagnan, ne va pas l’appeler Porthos, ni même du Vallon ; appelle-le de Bracieux ou de Pierrefonds. Tu me ferais manquer mon ambassade.
À mesure qu’il approchait du château qui avait d’abord attiré ses regards, d’Artagnan comprenait que ce n’était point là que pouvait habiter son ami : les tours, quoique solides et paraissant bâties d’hier, étaient ouvertes et comme éventrées. On eût dit que quelque géant les avait fendues à coup de hache.
Arrivé à l’extrémité du chemin, d’Artagnan se trouva dominer une magnifique vallée, au fond de laquelle on voyait dormir un charmant petit lac au pied de quelques maisons éparses çà et là et qui semblaient, humbles et couvertes les unes de tuile et les autres de chaume, reconnaître pour seigneur suzerain un joli château bâti vers le commencement du règne de Henri IV, que surmontaient des girouettes seigneuriales.
Cette fois, d’Artagnan ne douta pas qu’il fût en vue de la demeure de Porthos. […]

Alexandre Dumas, Vingt ans après