Construire des routes

Une rue à Pompéi
Une rue à Pompéi |

© Nathalie Ryser

Les premières routes sont tracées pendant le Néolithique (dernière période de la Préhistoire de – 9 000 à –3300) au cours duquel les hommes commencent à se sédentariser, éprouvant alors le besoin de relier les villages et les lieux de culture ou d’élevage. Ces "routes" tracées à travers les immenses forêts sont toutefois davantage des pistes ou des sentiers : le seul entretien est celui des usagers ; aucun métier dévolu à l’aménagement de ces routes n’est connu.

Antiquité : un réseau en développement

La technique et l’entretien des routes progressent durant l’Antiquité. Les civilisations mésopotamiennes, égyptiennes, perses, grecques et romaines développent, aux alentours des temples et des palais, des voies monumentales, parfois pavées, dont l’objectif est aussi de glorifier la puissance de leurs réalisations. Les centres urbains les plus importants sont reliés, pour favoriser le commerce et contrôler l’espace. Pour que le voyage et le transport des marchandises soit plus commode, les pistes sont aménagées : le creusement de canalisation pour l’écoulement des eaux ou la régularisation du terrain se généralise. Pour les sections les plus délicates, on a alors parfois recours au pavage en pierre ou à la pose de rondins de bois.

Le réseau routier de l’Empire romain

L’Empire romain
L’Empire romain | © BnF

En Occident, c’est la civilisation romaine qui porte le réseau routier à ses développements les plus impressionnants – à petite, moyenne et grande échelle. L’Empire romain sous Trajan (Ier siècle après J-C.) comprend une grande partie de l’Europe, le Bassin méditerranéen en passant par le Maghreb et jusqu’au pied du Caucase. La maîtrise de cet immense territoire passe par un réseau routier dense et régulièrement entretenu par plusieurs millions d’esclaves. Deux routes sont particulièrement importantes pour l’Empire romain : la via Appia (construite en 312 av. J-C.) qui relie Rome au sud de l’Italie et la via Egnatia, qui poursuit le trajet de la via Appia au-delà de la mer adriatique, traverse les Balkans pour rejoindre Byzance et le continent asiatique. En fonction de la fréquentation et de l’importance de la route, celle-ci pouvait être simplement en terre battue (via terrenae), recouverte de graviers (via glarea strata) ou pavées (via silice stratae).

Dalles romaines de la Via Appia, Rome
Dalles romaines de la Via Appia |

© BnF

Les techniques sont très perfectionnées pour assurer la durabilité des routes et la rapidité des voyages. Les routes, toujours bombées en leur milieu pour éviter la stagnation de l’eau, reposent sur des remblais constitués de plusieurs couches de sable, de terre, d’appareil de blocage et d’une sorte de béton appelé nucleus. Le perfectionnement du réseau routier romain se vérifie aussi avec la présence d’équipements et même d’une signalisation : le long des routes, des hôtels et des auberges sont bâtis pour les voyageurs en quête de repos ou d’un équipage. Des bornes miliaires sont érigées le long de la chaussée pour rappeler la date de construction mais aussi pour indiquer la distance à parcourir et la destination.
Dans les villes, comme à Pompéi par exemple, des trottoirs permettent l’écoulement des eaux et la sécurité des piétons qui peuvent traverser les routes au sec et en sécurité grâce à des blocs de pierre surélevés par rapport à la voie.

À la chute de l’empire romain, le réseau routier n’est plus entretenu et se détériore jusqu’au 12e siècle au moins. À Paris, le roi Philippe Auguste ordonne le pavage des rues en 1184 pour améliorer le trafic des marchandises. Le réseau routier en France se développe progressivement, mais l’essor du trafic maritime et fluvial constitue une forte concurrence.

Ouvrier pavant les routes menant à une ville médiévale
Ouvrier pavant les routes menant à une ville médiévale |

© BnF

Concordance entre les anciennes voies romaines et le tracé des nouveaux chemins de fer au 19e siècle
Concordance entre les anciennes voies romaines et le tracé des nouveaux chemins de fer au 19e siècle |

© BnF

Les progrès du 18e siècle

La création, sous le règne de Louis XIV, de ce qui deviendra l’administration des Ponts et chaussées, contribue au progrès technique des routes et des voies de communication. Plus tard, l’inspecteur général Pierre Marie Jérôme Trésaguet (1717-1798) envisage la construction des routes d’un point de vue scientifique et propose une méthode de revêtement nouvelle dite en "hérisson", composée de couches d’empierrement, de gravier et de sable pour garantir un tassement régulier de la route sans que celle-ci ne s’effondre brutalement.
Au début du 18e siècle, les infrastructures routières sont privilégiées par le pouvoir, afin de favoriser le commerce et le développement de l’économie. Une corvée royale (travail obligatoire non rémunéré) est imposée au peuple pour la construction et l’entretien des routes : les particuliers sont réquisitionnés plusieurs jours par an pour travailler sur les chantiers. Mais les conditions de travail difficiles, le caractère obligatoire et le peu d’expérience des ouvriers donnent lieu à des réalisations imparfaites. En dehors de la corvée – qui est supprimée à la Révolution française –, un système de péage pouvait aussi être mis en place pour financer les travaux.
Après la Révolution, Napoléon reprend le réseau routier en main et, dans un esprit de conquête, ordonne l’aménagement de routes à l’est de la France pour contrôler les voies de pénétration en Europe. Au 19e siècle, la route ne tarde pas à être concurrencé par le chemin de fer.

L’invention du macadam

Le macadam, une nouvelle technique de revêtement des routes
Le macadam, une nouvelle technique de revêtement des routes |

© BnF

Au 19e siècle, la méthode de Trésaguet, trop coûteuse, se voit abandonnée au profit de l’invention de l’Anglais John McAdam : plutôt que d’utiliser un appareil de grosses pierres, McAdam recommande la superposition de couches de matériaux de plus en plus fins (on parle de "granulométrie décroissante") : petits cailloux, terre et graviers. Ces couches sont aplaties et compressées par un rouleau compresseur. Cette technique permet désormais aux véhicules de rouler beaucoup plus vite sans un affaissement précoce de la route.
Après la grande période de la "conquête" ferroviaire de la Révolution industrielle, pendant laquelle le réseau routier est un peu négligé, l’invention de l’automobile est l’occasion d’un développement routier sans précédent : dès le début du 20e siècle, les pays d’Europe et d’Amérique se voient quadrillés par un réseau de plus en plus dense.
C’est pendant l’entre-deux-guerres que les premières autoroutes sont tracées : en Italie sous Benito Mussolini (1924), et en Allemagne sous Adolf Hitler, qui décide la construction de 4 000 kilomètres reliant toutes les villes entre elles.

Asphalte, goudron et bitume

Le macadam, une nouvelle technique pour les routes
Sauvetage en temps de pluie dans le macadam du boulevard | © BnF

Aujourd’hui, afin d’obtenir une meilleure étanchéité, nos routes sont presque toutes revêtues de ce que l’on appelle asphalte, goudron ou bitume. Ces trois produits bien distincts sont utilisés depuis l’Antiquité, notamment en Mésopotamie (actuel Irak).
Le bitume est en réalité un goudron de pétrole que l’on peut trouver à l’état naturel dans des gisements et qui présente l’aspect d’un liquide très épais et très collant de couleur noire. Ses qualités imperméabilisantes lui ont valu d’être utilisé afin d’assurer l’étanchéité des toits ou des routes.
Mélangé (naturellement ou par intervention humaine) à du gravier, du gravillon ou du sable, le bitume devient de l’asphalte qui sert encore de nos jours à recouvrir les sols, et que l’on appelle désormais, mais improprement, macadam.