Alberto le plâtrier

— par Benigno Cacérès

Toute la journée, Alberto continue à monter sa cloison. Pour l'enduire, le plâtre une fois gâché dans une grande gamate, il le prend avec sa large truelle pour le poser sur sa taloche. Cette matière, molle, glisse et semble vouloir se répandre partout sauf sur la cloison. Alberto la place sur les briques en couche de même épaisseur avec habileté. Rien ne semble plus facile que de talocher. Adresse des gestes, vivacité du corps, mais aussi de l'esprit. Les briques sont sèches, il le sent et taloche avec plus de lenteur. Celle-ci semblable aux autres, a subi "un coup de four" à la cuisson. Alberto sait qu'elle est imperceptiblement fendillée. Sa taloche appuie plus fort et reste plus longtemps sur elle.
Le plâtre gâché est employé. Alberto prépare à nouveau le contenu de la gamate. Intuitivement il verse la quantité d'eau et de plâtre nécessaire et s'arrête de brasser cet épais laitage à un moment qu'il est le seul à savoir : c'est le temps mort indispensable à sa prise. Alors, immobile sur son échafaudage, Alberto semble un grand Pierrot triste aux grandes mains blanches et inutiles. Il est Alberto le plâtrier, seul à décider de ses pensées et de ses gestes. Seul à savoir. Dans la gamate, se forme une crème blanche, épaisse.

Regards sur les métiers du bâtiment, textes rassemblés par Benigno Cacérès, collection peuple et culture, Seuil, 1955