Les maçons : une histoire ancienne, une corporation soudée

"Ils sont trop pour ce travail-là. Flanquez-en une douzaine à la porte"
"Ils sont trop pour ce travail-là. Flanquez-en une douzaine à la porte" |

© BnF

Les maçons forment une corporation soudée par une histoire ancienne de plusieurs millénaires. Au Moyen Âge, le métier de maçon s’organise en une corporation très hiérarchisée entre apprentis, compagnons et maîtres. Malgré plusieurs mesures visant à interdire ce mouvement, le compagnonnage connaît son apogée aux 18e et 19e siècles. La révolution industrielle bouleverse beaucoup de pratiques et de coutumes ancestrales. Toutefois, les maçons forment toujours un groupe social à la culture riche de nombreux rituels, traditions et chansons.

Le tâcheronnat

Au 19e siècle, le tâcheronnat est pratique courante dans le monde du bâtiment. Ce mode d’organisation du travail consiste à payer l’ouvrier non pas au temps, mais à la production : plus le travail est avancé, plus le salaire journalier est augmenté, et inversement. L’entrepreneur fait appel à un tâcheron qui s’occupe de recruter une équipe d’ouvriers ; c’est une forme de sous-traitance. Le marchandage de la tâche devient monnaie courante. Beaucoup d’entrepreneurs et de tâcherons abusent de ce système. D’une part, le tâcheronnat détériore les conditions de travail car certains ouvriers (parfois très jeunes) travaillent 12 à 14 heures par jour pour obtenir un meilleur salaire. D’autre part, le tâcheronnat pousse les ouvriers à “bâcler” sans se soucier de la qualité des finitions. Officiellement interdit en 1848, le marchandage à la tâche est très pratiqué jusqu’à la Première Guerre mondiale.

"Encore une pioche de f… Les gosses ne mangeront pas ce soir…"
"Encore une pioche de f… Les gosses ne mangeront pas ce soir…" |

© BnF

"Et dire que c’est pour Ça qu’il triment ! "
"Et dire que c’est pour Ça qu’il triment ! " |

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Revendications

À partir de la fin du 18e siècle, des artistes commencent à dépeindre la vie des ouvriers. Certains dénoncent des conditions de travail souvent pénibles et les abus de pouvoir de certains entrepreneurs. Leurs employés travaillent bien souvent pour un salaire misérable, 11 heures par jour. Aucune protection sociale, aucun dédommagement en cas de maladie ou d’accident n’est prévu, alors que presque aucun chantier n’est sécurisé. Pour autant, les revendications principales des ouvriers lors des grèves de la fin du 19e siècle et du début du XXe ne dénoncent pas forcément les conditions de travail (perçues comme une fatalité) mais revendiquent plutôt une hausse des salaires.

De la maçonnerie à la franc-maçonnerie

Savamment organisées et très puissantes dès le Moyen Âge, les corporations rassemblaient des hommes issus du même métier : un ensemble de codes (les “coutumes”) et de traditions réglementaient le travail, très fortement hiérarchisé entre maîtres, valets (ou ouvriers) et apprentis. En 1599, des maçons écossais se réunissent à Édimbourg pour fonder la première loge maçonnique : le but premier n’est pas de réglementer la profession mais plutôt de créer une communauté solidaire d’entraide mutuelle. La première loge maçonnique, également appelée Mary’s Chapel, est née. La franc-maçonnerie, organisée en plusieurs loges, est régie par un ensemble de rituels et de codes connus seulement par ses membres. Si les francs-maçons ne sont, depuis longtemps, plus uniquement des maçons de métier, les emblèmes de la confrérie rappellent les origines de leurs fondateurs : l’équerre, le compas, mais aussi le ciseau, le niveau, le fil à plomb, la règle, le levier ou la truelle sont parmi les symboles les plus courants.