La règle des moines

— par saint Benoît de Nursie, vers 540

Chapitre 48 : du travail manuel de chaque jour

L’oisiveté est ennemie de l’âme. Les Frères doivent donc à certains moments s’occuper au travail des mains, et à d’autres heures fixes s’appliquer à la lecture des choses de Dieu. C’est pourquoi nous croyons devoir régler comme il suit ce double partage de la journée.
De Pâques aux calendes d’octobre, les Frères sortant dès le matin travailleront à ce qui sera nécessaire depuis la première heure jusque vers la quatrième. À partir de la quatrième heure jusque vers la sixième, ils vaqueront à la lecture.
Après la sixième heure, s’étant levés de table, ils reposeront sur leur couche dans un silence complet. Si quelqu’un veut lire, qu’il lise pour lui seul, de manière à ne pas incommoder les autres.
None sera un peu avancée au milieu de lahuitième ; puis ils retourneront au travail assigné jusqu’à Vêpres…
Des calendes d’octobre à l’entrée du Carême, ils vaqueront à la lecture jusqu’à la fin de la deuxième heure. La deuxième heure étant passée, on dira Tierce ; après quoi ils s’occuperont tous au travail qui leur aura été enjoint.
Au premier son de None, chacun quittera son ouvrage, et ils se tiendront prêts pour le moment où l’on sonnera le second coup.
Après le repas ils vaqueront à leurs lectures ou à l’étude des psaumes.
Durant le Carême, ils feront leurs lectures depuis le matin jusqu’à la troisième heure pleine, et ils s’occuperont ensuite au travail qui leur aura été enjoint, jusqu’à la fin de la dixième heure.
En ces jours de Carême, chacun recevra un livre de la bibliothèque, qu’il devra lire en entier et par ordre. Ces livres seront distribués au commencement du Carême.

Qu’on ait soin avant tout de députer un ou deux anciens, qui seront chargés d’aller par le monastère aux heures où les Frères vaquent à la lecture et de voir s’il ne se rencontre pas par hasard quelque Frère nonchalant qui, au lieu de s’appliquer à la lecture, se livrerait à l’oisiveté ou à des entretiens frivoles, et qui, non seulement se nuit à lui-même, mais encore dissipe les autres. Que si, à Dieu ne plaise un Frère est surpris en pareille faute, on le reprendra une et deux fois. S’il ne s’amende pas, qu’on le soumette la correction régulière, de manière à intimider les autres.
Un Frère ne se joindra pas à un autre Frère aux heures indues.
Le dimanche, les Frères vaqueront tous à la lecture, hors ceux qui sont employés aux divers offices. Si quelqu’un était si négligent qu’il ne voulût ou ne pût pas lire ou méditer, on lui assignera un ouvrage qu’il puisse faire, afin qu’il ne soit pas oisif.

Extrait de La Règle de saint Benoît, éd. A. de Vogué. Paris, 1 972.