Une architecture à la gloire du régime

Place de l’Empire au forum Mussolini (actuellement Foro Italico) à Rome
Place de l’Empire au forum Mussolini (actuellement Foro Italico) à Rome |

[photographie de presse] / Agence Meurisse

Benito Mussolini prend tout particulièrement soin de son image et de celle de l’Italie aux yeux du monde entier. Arrivé au pouvoir en 1922, il s’empare de l’architecture et de l’urbanisme pour les mettre au service de son projet politique. Les centres des villes sont vidés des populations les plus modestes pour permettre à la bourgeoisie de s’y installer. 143 villes nouvelles sont créées sur tout le territoire – depuis le continent jusqu’en Sicile, en passant par la Sardaigne. Ces villes baptisées sous des noms à consonance latine (Fertilia, Aprilia, Littoria, et même Mussolinia ! ) ont pour but de participer à la réorganisation administrative, industrielle et agricole de l’Italie.

Plusieurs initiatives destinées à attirer les intellectuels, les artistes, les architectes et les touristes voient le jour. Mussolini organise par exemple en 1933, à l’occasion du jubilé, une exposition fasciste qui attira, être autres, Le Corbusier, Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir et de nombreux architectes soviétiques.

L’exposition universelle de 1942

Le palais des réceptions et des congrès
Le palais des réceptions et des congrès |

© Fondazione Brunozevi

L’année 1942 est marquée par l’anniversaire de l’arrivée au pouvoir de Mussolini en 1922. L’exposition universelle de Rome à cette date devait donc devenir une des grandes marques du génie fasciste… Mais elle est annulée en raison de la Seconde Guerre mondiale. Le quartier EUR construit dans cet objectif restera longtemps inachevé avant la reprise des travaux dans les années 1950. Il devient alors un quartier d’affaires.

Une vaste politique de modernisation

Guidonia, une ville nouvelle voulue par le régime fasciste
Guidonia, une ville nouvelle voulue par le régime fasciste |

© BnF

Le chantier de l’EUR s’inscrit dans une politique plus large en faveur de la modernisation et du développement de Rome. La banlieue est investie jusqu’à la mer : la station balnéaire d’Ostie, la cité-jardin de Garbatella, la ville militaire de Guidonia… Au sud du centre historique, le quartier de l’EUR est destiné à être la “vitrine” du fascisme visitée par des milliers de touristes étrangers. Le plan d’ensemble est orienté du nord-est au sud-ouest, parallèlement au Tibre. L’axe majeur baptisé via Imperiale devait, dans le projet d’origine, se poursuivre jusqu’à la côte. Se succèdent par la suite une grande place rectangulaire signalée par un obélisque, puis une avenue plantée. Après 1945, le quartier est achevé en respectant partiellement le plan originel : la via Imperiale, désormais connue sous le nom de via Cristoforo Colombo, se dédouble au-dessus d’un bassin – le laghetto dell’ EUR. Le quartier est entouré par d’autres grandes voies de desserte. La plupart des rues offrent d’impressionnantes perspectives sur une architecture imposante et rectiligne. Aux angles du quartier, quelques secteurs sont aménagés en parcs, tels des îlots de verdure encadrant un environnement essentiellement minéral. Ce type de plan monumental, où sont construits de grands édifices à la croisée d’axes monumentaux se retrouve par ailleurs à Brasilia (Brésil) et à La Défense, à Paris.

Après le fascisme

Le palais des Offices de l’EUR par Gaetano Minucci
Le palais des Offices de l’EUR par Gaetano Minucci |

DR Blackcat, CC BY-SA 3. 0, via Wikimedia Commons

Inachevé à la déclaration de la Seconde Guerre mondiale, l’EUR semble complètement abandonné jusqu’au début des années 1950. Aussi grandioses soient-ils, les différents palais paraissent perdus au milieu d’un immense terrain en friche. Peu à peu les travaux reprennent : Adalberto Libera termine le palais des congrès, le laghetto EUR est aménagé. À son extrémité, Marcelo PIacentini et Pier Luigi Nervi construisent le palais des Sports. Il y a donc une certaine continuité même si certains projets, nourris pendant la période fasciste, sont abandonnés. Les nomenclatures des rues et des places changent : la via Imperiale est baptisée via Cristoforo Colombo. Les affectations des édifices changent aussi, à l’occasion notamment de grands événements. Par exemple le palais des congrès fait l’objet de travaux à l’occasion des Jeux olympiques de 1960 pour accueillir les compétitions d’escrime. L’ancien musée de la Communication est désormais le centre des archives centrales de l’État. Plus récemment, le palais de la Civilisation italienne a été acheté par la marque de prêt-à-porter de luxe Fendi pour y installer sa maison mère. L’EUR s’est ainsi transformé en un grand quartier d’affaires.

L’EUR, un vrai plateau de cinéma

La basilique des saints Pierre-et-Paul
La basilique des saints Pierre-et-Paul |

Blackcat [CC BY-SA 4. 0] Pufui PcPifpef, CC BY-SA 4. 0, via Wikimedia Commons

Les lignes épurées, les rues désertes et les grandes perspectives d’EUR ont régulièrement séduit les photographes et les cinéastes. Michelangelo Antonioni, Dino Risi, Dario Argento, Federico Fellini, Julie Taymor, Gabriele Muccino ont choisi de tourner dans ce quartier à l’atmosphère fantomatique. Fellini a, pour Boccace ’70, reconstitué un EUR miniature pour y faire déambuler la grande actrice Anita Ekberg la nuit tombée.