Histoire et postérité du Bauhaus

Emblème officiel du Bauhaus en 1919
Emblème officiel du Bauhaus en 1919 | CEDIAS

L’esprit du Bauhaus naît bien avant le bâtiment de 1925. En 1918, Walter Gropius prend la direction de l’Institut des arts décoratifs de Weimar qu’il réforme complètement pour fonder le Bauhaus. En 1924, le Bauhaus est contraint de quitter Weimar. Plusieurs villes se proposent d’accueillir l’école. Parmi elles, Dessau, située à une centaine de kilomètres au sud-ouest de Berlin et très industrialisée. Son maire, Fritz Hesse, voit d’un très bon œil l’arrivée du Bauhaus. La présence d’architectes et d’étudiants est perçue comme autant de promesses pour construire des logements et des équipements dans la ville. Les principales recherches de Walter Gropius à ce moment s’orientent justement vers la conception de logements en série et à échelle industrielle.

Un plan 100 % fonctionnaliste

Le Bauhaus de Dessau
Le Bauhaus de Dessau | Par M_H. DE [GFDL (http : //www. gnu. org/copyleft/fdl. html) ou CC BY-SA 3. 0 (https : //creativecommons. org/licenses/by-sa/3. 0)], de Wikimedia Commons

La mairie de Dessau cède au Bauhaus un vaste terrain de la banlieue nord-est, alors encore peu construite. Walter Gropius, avec Ernst Neufert et Carl Fieger de l’Agence Gropius, a toute liberté de bâtir comme il l’entend : il décide donc de poser son bâtiment au beau milieu de la parcelle sans respecter l’alignement sur rue. Ce dernier, conçu en trois ailes, occupe une surface de 10 535 m2 au sol (pour une surface totale de 23 300 m2).

Lorsqu’il se rend pour la première fois sur les lieux, le visiteur ne perçoit pas tout de suite le plan du Bauhaus qui apparaît d’abord complètement éclaté. Pour expliquer son architecture, Gropius invitait volontiers ses interlocuteurs à regarder le plan ou – mieux encore – des photographies aériennes permettant d’avoir une vue d’ensemble. On constate alors que le plan a été déterminé uniquement par l’usage qui devait en être fait. Ici, pas de façade principale mais trois ailes reliées les unes aux autres et correspondant aux activités principales : au sud, les ateliers sont inondés de lumière par un immense mur-rideau, entièrement vitré ; une passerelle relie ce bâtiment à l’école technique, placée au nord ; à l’est, l’immeuble réservé aux chambres des étudiants communique avec le reste du Bauhaus par l’intermédiaire d’une grande salle polyvalente. Ces masses architecturales s’articulent, sur un plan ou dans l’espace, tels les volumes géométriques d’une composition abstraite cubiste.

Un lieu de rencontre et d’échanges

Tout, dans le Bauhaus, doit favoriser l’échange et la communication entre ses usagers. Située à la jonction des trois ailes, la grande salle polyvalente est un espace où l’on mange, on fait la fête, on donne des pièces de théâtre et de danse expérimentale. C’est le cœur du Bauhaus où se retrouvent les corps enseignant et administratif, les invités et les étudiants. Ces derniers bénéficient de chambres individuelles et de services communs : laverie, réfectoire, bains, gymnase et vestiaires. Les studios de travail sont aussi collectifs pour favoriser les discussions et l’entraide. Tous les espaces communiquent les uns avec les autres et se prolongent dans les escaliers, largement ouverts. Le bureau du directeur se situe au cœur même de cette organisation, à la jonction des trois corps de bâtiment. Les nombreuses photographies prises à cette période sont la démonstration de cet idéal communautaire et égalitaire.

… De Dessau à Berlin…

La montée des extrêmes dans l’entre-deux-guerres
La montée des extrêmes dans l’entre-deux-guerres | © Bibliothèque nationale de France

Le climat politique se fait de plus en plus oppressant au début des années 1930. Dans un contexte de crise économique, le parti nazi d’Adolf Hitler gagne du terrain en Allemagne. Victorieux aux élections municipales de 1931, les nazis poussent le Bauhaus à fermer, l’accusant d’être un vivier de communistes. Mies van der Rohe, récemment nommé à la direction du Bauhaus, réussit à transférer l’école, désormais privée, à Berlin en 1932. Mais celle-ci ferme définitivement ses portes quelques mois plus tard.

Après sa fermeture sous la pression des nazis, le Bauhaus de Dessau est occupé par l’entreprise aéronautique Junkers qui y installe une partie de ses bureaux en 1939 puis par un centre d’apprentissage de couture et de cuisine pour les jeunes filles. En 1945, des bombardements endommagent gravement la façade de verre. Trente ans plus tard, l’édifice est reconstruit puis inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité en 1996.

… de Berlin au monde entier

Le Seagram Building de New York
Le Seagram Building de New York |

© Library of Congress

La fermeture du Bauhaus en 1933 est sans aucun doute dramatique. Beaucoup de ses membres – enseignants comme étudiants – fuient l’Allemagne nazie et trouvent refuge aux quatre coins du monde. Après un séjour en Grande-Bretagne, Walter Gropius rejoint les États-Unis où il se voit confier la direction de la Graduate School of Design de Harvard. Marcel Breuer suit une trajectoire similaire pour revenir en Europe en 1953. Après avoir cherché à obtenir des commandes du IIIe Reich, Mies van der Rohe se détourne finalement de l’Allemagne et traverse lui aussi l’Atlantique où l’attendent de très nombreuses et prestigieuses commandes privées. Il prend aussi la tête, pour 20 ans, de l’école d’architecture de l’Armour Institute qui deviendra l’Illinois Institute of Technology, à Chicago. Josef Albers reprend les principes du “cours préliminaire” dispensé au Bauhaus lorsqu’il obtient un poste de professeur au Black Mountain College, également aux États-Unis. Militant communiste, Hannes Meyer part au Mexique où il supervise des aménagements urbains et la construction d’équipements scolaires. D’autres reviennent dans leur pays d’origine ou voyagent au gré des commandes et des opportunités professionnelles. Toujours vivace, “l’esprit du Bauhaus” est ainsi distillé à travers le monde.